Le guide de l'empereur
— L’enfant était venu à vous, et vous le renvoyez. Vous ne voyez que la gêne qu’il nous causerait ; vous ne vous doutez pas du bonheur qu’il apporterait ici. Car je ne me marierai pas ; j’ai toutes les chances du monde, sans compter le goût, peut-être, de rester vieille fille. Mon père, il faut y penser. Nous trouverons bientôt que c’est trop peu d’être deux. Si nous gardions l’enfant, dites? Dans quelques mois, il sera déjà drôle. Dans deux ou trois ans...
— La mère le reprendra, folle que tu es !
— Alors, vous aurez fait une grande charité. Mais si elle ne le reprend pas – et c’est probable ! – vous lui apprendrez à lire, au petit, vous lui donnerez vos idées, vous l’aurez comme compagnon...
— Allemand ! cria M. Audouin.
— Français ! reprit Véronique. Il l’est déjà par sa mère. Et qui saura, dans quinze jours, que le père est étranger ? L’enfant sera le vôtre. Vous ferez de lui un soldat... un officier... un autre vous-même !
M. Audouin se leva tout d’une pièce. Il eut une flamme dans les yeux, et il répondit, comme s’il déclamait :
— Un soldat français, un officier, ma revanche à moi ! Tu as des idées, Véronique, des idées sublimes !
— Et alors ?
— J’accepte, à cause de ça.